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Antonie Pannekoek Archives


Thème : La solution économique pour la période de transition du capitalisme vers le communisme


L’approche d’un problème essentiel la forme économique du communisme


Source :  Fondements de l’économie communiste. – Paris : Informations Correspondance Ouvrières (i.c.o.), 1971. – 48 p.


Dans les débats au sein des partis et des groupes, on parle beaucoup d’action, de tactique, de stratégie, de révolution ; mais on n’aborde guère les problèmes énormes que poserait aux travailleurs (les producteurs) la gestion de l’économie, et ceci dès les premières approches de la réalisation d’un monde nouveau.

A vrai dire, certains en parlent parfois, mais d’une manière telle qu’elle aboutit à éluder la discussion sur ces problèmes : la planification miracle d’un côté et l’âge d’or de l’autre. Pour les uns, la hiérarchie des dirigeants (politiques, économiques, etc.) qui savent, et à qui on fait confiance, réglera tout par une meilleure utilisation des techniques, par une « bureaucratisation intelligente et éclairée » assortie éventuellement d’une imprécise « participation ouvrière ». Les modèles russes ou chinois de capitalisme servent de bible pour les uns, de références critiques pour les autres. Les débats sur le futur deviennent des discussions sur les modèles économiques, des ambiguïtés sur le « contrôle ouvrier », des affrontements sur les recettes nécessaires à la transformation des « consciences » par une quelconque « révolution culturelle ».

Pour les autres, un mythe différent doit exécuter la bureaucratie qu’ils stigmatisent, à juste titre, dans ces débats de spécialistes (les dirigeants éclairés de l’organisation ou les dieux de la pensée révolutionnaire) destinés à d’autres spécialistes (les militants de l’organisation) : l’autodétermination intégrale, la fin du travail, l’abondance, une éthique de la vie quotidienne et des règles strictes d’organisation de la société communiste (comme le syndicat idéal chez les anarcho syndicalistes ou le conseil ouvrier chez les conseillistes). La « conscience » présente d’une élite (dont la pratique est conforme à la théorie et vice et versa) se trouverait relayée le Grand Jour de la Révolution par une rupture brutale avec le vieux monde et l’apparition d’une conscience Universelle des nécessités du communisme dans les formes unifiées et transcendantales de l’activité individuelle et de la pratique collective : les prédictions des penseurs se trouveraient réalisées et il n’y aurait rien d’autre à envisager. La disparition soudaine et totale du vieux monde et de toutes ses formes d’aliénation suffirait à garantir un fonctionnement harmonieux du nouveau monde, parce que la volonté des hommes ne pourrait alors traduire que des aspirations vers le communisme.

Dans un cas comme dans l’autre, bureaucratie éclairée ou âge d’or de la conscience des hommes totalement désaliénés, il suffit de faire confiance à un mode de rapports prédéterminés théoriquement par une élite pour que le communisme soit. A la base, on trouve la même croyance, la même foi dans une société idéale, laquelle est bien propre aux milieux d’avant-garde et qui n’apparaît pas chez les travailleurs ; la plupart du temps, ceux-ci ne pensent pas à un autre monde (tout au plus à aménager ou transformer celui-ci) ou s’ils se trouvent rarement à en discuter c’est pour dire aussitôt qu’il leur paraît totalement utopique. Pourtant, c’est la lutte de ces mêmes travailleurs qui dessine la marche vers un monde nouveau et les problèmes qui s’y poseront. Malgré les divergences qui paraissent fondamentales dans les « conceptions » du communisme, une rupture beaucoup plus grande apparaît aussi entre les groupes d’avant-garde qui « savent » et qui « agissent » et la grande masse du prolétariat qui ne « sait pas » et qui lutte pour ses intérêts immédiats. De cette rupture découle une conséquence importante : l’action des groupes tend à être politique, c’est-à-dire à se fixer sur les superstructures superficielles de la société capitaliste (branche orientale ou occidentale), à rompre par des méthodes et des moyens divers tout ce qui est utilisé pour dominer les hommes.

Au contraire, l’action du prolétariat est avant tout économique et sociale ; elle agit sur un plan profond, au niveau même de la base de cette société : l’exploitation de la force de travail, mais comme une attaque indirecte et non voulue comme telle par ceux qui la mènent inlassablement, du seul fait qu’ils doivent quotidiennement se défendre pour ne pas être des objets, c’est-à-dire totalement aliénés.

Du fait que l’avant-garde se trouve conduite à envisager une action politique qui mènera au communisme, découle la nécessité, pour tous ces groupes, de définir une tactique. Cette tactique touchera, suivant les conceptions, des domaines très divers : de la conquête armée du pouvoir d’Etat jusqu’aux actions de choc de groupes conscients, destinées à provoquer les ruptures nécessaires à l’écroulement du vieux monde et la prise de conscience de tous. Ainsi, la boucle est fermée dans un système complet et confortable ; on agit pour réaliser ce qu’on croit et se réaliser soi-même. Pourtant, le communisme n’a rien à voir avec un programme de réalisations pratiques à mettre en œuvre demain ou l’année prochaine ; c’est un fil conducteur pour la longue et dure lutte d’émancipation que la classe ouvrière a encore devant elle. Il est évidemment beaucoup moins facile de considérer la société communiste comme une inconnue, mais seulement comme une orientation que définissent les luttes des travailleurs, c’est-à-dire comme un produit de la lutte de classe sous toutes ses formes, des circonstances mouvantes dans lesquelles elle se déroule.

Ainsi, le communisme ne peut se définir que comme un devenir qui se modifie et s’adapte à tout l’environnement technique, social, politique, à toutes les transformations du capitalisme et de ses techniques de domination. Il est bien évident dès lors que la réalisation d’un monde nouveau et les structures elles-mêmes changeantes avec l’évolution des techniques qu’il pourra se donner, ne peuvent être le produit de l’imagination présente, de l’utopie, quelque fertiles qu’elles soient. C’est la réponse pratique que donneront les travailleurs à ce moment, aux problèmes pratiques qui se poseront, aux organismes de luttes mis en place par les travailleurs eux-mêmes. Et non pas à des problèmes abstraits qu’ils auraient tenté de résoudre auparavant, un peu comme des problèmes d’algèbre, mais des problèmes bien concrets à solutionner immédiatement avec les ressources matérielles et morales à leur portée. Peu importe finalement la manière dont ils les résoudront. Car les réponses pratiques dépen-dront d’abord des situations qu’ils trouveront devant eux. De ces affrontements avec une réalité comportant des données bien précises et non modifiables dans l’immédiat, naîtront des discussions sur ce qui doit être fait, c’est-à-dire sur des orientations, des méthodes, des formes, des règles, et, partant de là, des analyses plus globales ; mais tout cela sera le produit de l’expérience, de la pratique ; c’est ainsi que, dans la lutte de classe, la théorie est d’abord une pratique et non un idéal. Bien sûr, les connaissances, les théories, les expériences des uns et des autres serviront, mais, elles ne seront pas déterminantes, seulement un apport matériel dans un ensemble de circonstances, au même titre que les données immédiates des techniques et des consciences qu’elles ne pourront transformer ou abstraire.


L’ensemble de ces problèmes se rattache à un autre problème qui restera toujours le problème fondamental, celui de la production elle-même. Et c’est naturellement, par le cours des choses que ce problème fondamental sera abordé sous un angle pratique.On peut en avoir une idée en se référant à ce qui s’est passé en mai 68 en France. Les usines, les facultés, étaient occupées ; les transports ne fonctionnaient pas ; des sources d’énergie, seule l’électricité ne fit pas défaut (ce qui donne la mesure des intentions de la c.g.t. et du p.c., maîtres incontestés de ce secteur vital). Les usines étaient stoppées et non remises en route (à part de très rares exceptions que l’on connaît d’ailleurs bien mal), les questions fondamentales de l’économie gérée par les producteurs eux-mêmes ne se sont pas posées, donc pas de problèmes d’approvisionnement en matières premières, ni d’organisation du travail, ni d’écoulement des produits fabriqués, c’est-à-dire, d’une part des problèmes touchant le travail lui-même et de l’autre des problèmes d’échange, de rapports avec les autres producteurs. Par contre, la désorganisation des transports et du réseau de distribution des marchandises nécessaires à la consommation minimum des hommes nécessitait une réponse immédiate pour suppléer aux effets de la grève. C’est ce qui explique la naissance et le développement, pour une brève période, d’organismes qui allèrent beaucoup plus loin que les comités de grève sur le plan des usines, pour suppléer à ce qui faisait défaut par suite du blocage temporaire du fonctionnement des organes capitalistes de collecte et de diffusion des produits alimentaires. Dans les usines et les facultés occupées, dans les quartiers, le problème du ravitaillement devint le problème à résoudre d’abord. Sans doute, tout un secteur capitaliste continuait-il à fonctionner sur ses réserves et avec des moyens de bord. Mais, des individus, et surtout des collectivités importantes, ne pouvaient plus emprunter ce circuit capitaliste : certaines denrées faisaient totalement défaut, notamment en grandes quantités, il n’y avait pas d’argent et certaines formes collectives d’occupation et de vie qui prenaient corps appelaient des réponses collectives. D’autre part, les producteurs paysans ne pouvaient acheminer que difficilement les produits, notamment ceux qui ne peuvent être conservés et doivent être écoulés rapidement.

Dans les grosses entreprises, la remise en fonctionnement des cantines d’entreprise, souvent avec du personnel bénévole, avec des fonds empruntés aux caisses des comités d’entreprise ou à ceux de la solidarité, ne permit pas de dégager ce fonctionnement du circuit capitaliste : ces cantines avaient des stocks, elles pouvaient s’approvisionner chez des grossistes avec de l’argent, elles faisaient payer les travailleurs auxquels les comités de grève, en accord avec les directions d’entreprise, avaient souvent fait verser des signes monétaires. Il y eut bien sûr des rapports directs avec des producteurs paysans, mais ne sortant pas des rapports traditionnels capitalistes et, à notre connaissance, pas de rapports d’approvisionnement basés sur l’échange avec des usines pouvant continuer à fonctionner avec l’accord des travaiIleurs (laiteries, boulangeries, etc., par exemple).

Par contre, dans les petites entreprises, dans les quartiers, dans les facultés, ces problèmes se posaient avec beaucoup d’acuité, car ils ne pouvaient être résolus, même provisoirement, par défaut de cantines, de stocks, etc. De même, pour les paysans, ce sont les petits et moyens paysans hors des rapports avec les grosses entreprises et sans moyens de stockages qui affrontaient l’absolue nécessité d’écouler leurs marchandises périssables. On peut déjà noter ici que ce sont dans les secteurs marginaux de l’économie, là où les structures étaient les plus fragiles que la rupture avec les circuits traditionnels du capitalisme se faisait le plus facilement. Ce qui est intéressant, c’est de noter dans quelle direction se firent les contacts entre ces consommateurs et les producteurs. Par le canal des comités d’action, se constituèrent des sortes de réseaux de liaisons et d’approvisionnement orientés vers les habitants des quartiers et vers les petites entreprises occupées qui ne pouvaient que résoudre difficilement leurs problèmes de ravitaillement. Des facultés surgit un Comité de Liaison Etudiants, Ouvriers, Paysans (c.l.e.o.p.) qui entreprit précisément cette tâche d’approvisionnement, à sa modeste mesure bien sûr.

On connaît bien mal comment cela fonctionna au milieu des difficultés innombrables. Ce qu’on sait, c’est que les contacts avec les paysans furent souvent pris par le canal des organisations syndicales marginales de paysans, c’est-à-dire avec ceux qui, à ce moment, subissaient le plus durement la concentration et la concurrence capitalistes. De même, on sait peu de choses sur les bases de l’échange (dons de marchandises, paiement d’un prix en argent), sur les bases de la répartition. Mais il est évident que ces problèmes se posèrent d’emblée, qu’ils furent résolus dans le cadre des structures capitalistes qui n’avaient été qu’ébranlées. Ils auraient été posés avec beaucoup plus d’acuité si les choses s’étaient prolongées ; ils auraient alors dû être résolus par d’autres moyens, simplement par le fait que les autres moyens auraient fait défaut. On peut observer aussi que dans un capitalisme plus concentré, les contacts d’approvisionnement auraient obligatoirement été pris avec des ouvriers agricoles d’entreprises et non avec des fermiers, ce qui aurait conféré un caractère très différent à ces échanges. Tout n’atteignit donc, en mai 68 qu’un stade embryonnaire, plus dû à des initiatives individuelles et avec les limites qu’imposait le niveau du capitalisme en France, notamment dans les campagnes. Mais, il est bien évident, pour ceux qui affrontèrent concrètement ces problèmes de ravitaillement, que deux questions essentiellles se trouvèrent posées, et ce sont ces questions qui sont importantes pour notre propos :

  • des problèmes d’organisation, c’est-à-dire de groupement (des producteurs d’un côté, des consommateurs de l’autre) et l’établissement de liaisons entre ces deux groupes ;
  • des problèmes de paiement, c’est-à-dire de définition de la valeur des biens, des bases de l’échange de biens produits par les uns et les autres.

Ces deux points esquissent déjà l’essentiel d’une construction d’une société communiste et ce sont ces points fondamentaux que les organismes se trouvent devoir résoudre pratiquement dès les premiers pas hors des ornières capitalistes, avant même que soient débattues les structures de la société. Ce sont ceux qui affrontent ces discussions dans la pratique qui donnent la réponse immédiate, parce que contraints et forcés de résoudre dans les faits ces problèmes théoriques.

Il y a une relation étroite entre les problèmes d’organisation et les problèmes de l’échange. C’est dans la mesure où les organismes prennent leur autonomie parce que la lutte se prolonge qu’ils doivent résoudre ces problèmes de production et d’échange, et c’est dans la mesure où ils doivent les résoudre et les résolvent tant bien que mal, que leur autonomie se précise. Nous n’avons pas l’intention, dans le cadre de cette présentation de texte sur les « Fondements économiques du communisme » de nous étendre sur ces problèmes d’organisation, mais nous tenons précisément à souligner comme l’exemple ci-desus a pu le faire ressortir, qu’ils ne peuvent être détachés de l’ensemble.

Nous voulons seulement souligner que l’abondante littérature touchant les « problèmes d’organisation », en mai 68, aborde un problème totalement différent, celui de l’organisation révolutionnaire, c’est-à-dire de l’organisation politique (devant œuvrer à la conquête du pouvoir politique) et non de l’organisation sociale dont la montée brise les structures politiques parce qu’elle détruit les structures fondamentales économiques et sociales. Inutile de dire que ces débats sur « l’organisation révolutionnaire » (souvent léniniste) nous paraissent anachroniques, même si, par la volonté des partis et groupuscules, ils occupent le devant de la scène ; ils masquent l’organisation autonome de la production et des échanges qui peut s’esquisser dans l’arrêt momentané de la production capitaliste ; ils posent la persistance d’organismes de remplacement de la classe capitaliste défaillante, d’une bureaucratie pour qui la conquête du pouvoir politique est effectivement l’essentiel. La persistance de ces groupes politiques oblige d’ailleurs à envisager la question de leurs relations avec certaines structures économiques et de leur conflit avec les organismes autonomes de lutte et de gestion de la société en raison de ces structures.


Les textes qui suivent peuvent apparaître disparates, mais ils tentent de donner un aperçu de la pratique des conseils allemands et des réflexions de ceux qui avaient vécu cette pratique de 1917 à 1931. Le point de développement atteint par les conseils dans l’après guerre de 1914 permit de toucher le problème central de l’organisation de l’économie communiste, ce que nous avons défini ci-dessus, en partant de mai 68, comme la définition des bases de la production et de l’échange des biens. Aborder ces points conduit naturellement à celui de la suppression du salariat en tant que principe fondamental de la production et de la distribution communistes.

Nous savons que ces textes datent d’une quarantaine d’années et que les techniques de production, le capitalisme et la condition des travailleurs ont évolué tout en restant sur la même base : l’exploitation du travail. D’autres expériences plus limitées ou différentes de gestion par les producteurs ont surgi de l’Histoire (parmi les plus importantes, les collectivités en Espagne, les conseils ouvriers en Hongrie) ; elles peuvent apporter la richesse de leur expérience. D’autre part le bouleversement des techniques de communication et de production notamment par l’automation, introduit des voies toutes nouvelles pour aborder ces problèmes de gestion par les producteurs, non seulement en termes quantitatifs (quantité, rapidité, simplicité d’utilisation), mais aussi qualitatifs. C’est précisément à partir de l’acquis que cet ensemble de textes approche et résume qu’il faut tenter de repréciser les problèmes d’un monde nouveau. Notre expérience propre peut aussi intervenir. Si nous nous sommes référés ci-dessus à mai 68, c’est pour faire ressortir la manière dont ces problèmes se trouvaient abordés pratiquement, mais, c’est également pour amener chacun à réfléchir sur ce qu’il a pu vivre à ce moment en orientant sa réflexion dans cette voie pratiquement inexplorée parce que tout le monde continue de considérer les problèmes d’une manière étroitement politique.

De même que les conseils ouvriers ne sont pas pour nous un programme de réalisations pratiques à mettre en œuvre aujourd’hui ou demain, de même les Principes fondamentaux de l’économie communiste ne sont pas des règles immuables qu’il s’agit d’établir par des décrets du pouvoir politique pour que le socialisme règne sans partage sur la terre. Les Conseils, comme les Principes ne sont qu’un fil conducteur pour la longue lutte d’émancipation du prolétariat. Nous comprenons bien que si, fondamentalement, les problèmes qu’au-ront à résoudre les organismes de lutte et de gestion des producteurs seront identiques, la forme pratique de ces problèmes sera différente et partant, les réponses pratiques seront également différentes.

Pour reprendre un des points importants abordés dans ce texte, celui d’une unité comptable, il est évident que le problème de comptabilisation sociale des produits restera toujours nécessaire puisqu’il y aura toujours une production organisée. Mais les moyens de cette comptabilisation sont radicalement différents de ceux de la période des années 1930 et ils peuvent encore se modifier tout autant radicalement ; et ceci au point que l’on peut se demander si les unités et la nature de cette comptabilisation ne sont pas remises en cause en raison de cette transformation des techniques. La ligne générale de cette recherche reste toutefois une mesure comptable exprimant une structuration de la production qui exclut tout pouvoir sur les producteurs et sur les unités de production ; elle n’est qu’un moyen : de contrôle et d’approche d’une vue d’ensemble du procès économique par et pour les producteurs.

La même évolution du capitalisme et des techniques de production et de communication a souvent dissimulé ces problèmes d’organisation de la production et des échanges pour amener les discussions touchant un monde nouveau sur des thèmes comme celui de la disparition du travail dans une société d’abondance. Nous rejoignons certaines critiques faites au début de cet article à rencontre de schémas bureaucratiques ou messianiques. Ces schémas partent de la constatation juste et quotidienne de l’énorme gâchis de biens et de travail dans les capitalismes nationaux atteignant un certain niveau de développement industriel et surtout dans les pays les plus avancés comme les u.s.a. D’un côté, il y a la production d’objets, ou inutiles, ou de mauvaise qualité pour qu’ils soient consommables, ou les destructions sous des formes diverses {volontaire pour les produits agricoles jusqu’à la production de guerre stockée ou utilisée). De l’autre, il y a l’énorme « inutilité » du travail dans des secteurs importants de la machinerie capitaliste.

Partant de ces constatations {qui elles-mêmes découlent souvent de conceptions éthiques) et d’une certaine éthique de la consommation, il en est déduit que dans une société communiste il résulterait d’emblée une réduction énorme et immédiate du travail productif, réduction qui confinerait quasiment à la disparition de tout travail social, c’est-à-dire de la corvée obligatoire nécessaire minimum pour un bon fonctioimement d’une société transcendée par l’accord parfait de la technique et de l’épanouissement de l’homme.

La discussion à partir de ces bases, s’oriente vers des lignes différentes de celles tracées dans les textes qui suivent, mais qui, à notre avis, y ramènent pourtant quand on dépasse la conception sommaire d’un fonctionnement harmonieux automatique d’une société débarrassée des ferments du « Mal ». Pourtant, en pratique, les spéculations sur le monde nouveau fuient ces problèmes économiques fondamentaux pour varier à l’infini dans des schémas que certains pensent même pouvoir réaliser dès maintenant dans certains aspects de leur vie.

Est-il possible de relier ces discussions à celles dont ces textes donnent l’aboutissement ? Ainsi que nous l’avons fait ressortir dans cette introduction, il ne s’agit pas de spéculations, mais de problèmes pratiques que des organismes de lutte et de gestion des producteurs auront inévitablement à résoudre avec les moyens techniques et le niveau des consciences au moment où ils se poseront. Nous avons bien l’impression, en écrivant ces lignes d’être au seuil d’un monde inexploré et qu’aucune exploration n’est possible autrement que par l’esquisse de directions mettant en cause des prin-cipes fondamentaux. Toute autre tentative d’aboutir à des formes, à des règles, à des prévisions, à certains types de structures ne peut que fixer les cadres d’un monde dont la particularité essentielle, aussi bien sous le capitalisme que dans le communisme, est et sera d être contamment en mouvement et en transformation.


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Compiled by Vico, 29 April 2020